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L'essentiel

- L'hypnose est un état particulier de la conscience, plus ou moins accessible pour chaque individu, qui n'est ni du rêve ni du sommeil.

- L'attention portée sur un événement agréable sous hypnose diminue de moitié les sensations et le désagrément des douleurs aiguës.

- Le cerveau sous hypnose présente une activité particulière, notamment dans les régions participant à la perception, à l'attention et aux émotions

L'auteur

Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste et réanimateur, dirige le Service d'algologie et de soins palliatifs du CHU de Liège, en Belgique.

Audrey Vanhaudenhuyse, neuropsychologue, est chercheur postdoctorante dans ce service.

Pour en savoir plus

A. Vanhaudenhuyse, S. Laureys et M.-E. Faymonville, Neurophysiology of hypnosis, in Clinical Neurophysiology, sous presse.

Dossier : L'hypnose et ses applications,Cerveau & Psycho n° 58, pp. 20-41, juillet-août 2013.

D. Oakley et P. Halligan, Hypnotic suggestion : opportunities for cognitive neuroscience, in Nat. Rev. Neurosci., vol. 14, pp. 565-576, 2013.

A. Demertzi et al., Hypnotic modulation of resting state fMRI default mode and extrinsic network connectivity, in Prog. Brain Res., vol. 193, pp. 309-322, 2011.

La douleur est un phénomène complexe caractérisé par une sensation – ce qui nous permet de la localiser et de la décrire – et une émotion (souvent négative) – ce qu'elle éveille en nous. Différents mécanismes cognitifs tels que l'anticipation, l'attention et la distraction influent sur la perception de la douleur. Quand nous souffrons, notre attention se focalise automatiquement sur la partie du corps concernée, et toutes nos pensées finissent par se résumer à deux questions : quelle est la cause de cette douleur et quand cessera-t-elle ? C'est cette attention que nous pouvons apprivoiser pour atténuer la douleur.

Le patient est distrait et détendu

La douleur peut être aiguë ou chronique. La douleur aiguë correspond à une alarme qui avertit l'organisme quand une situation met en danger l'intégrité physique. Elle nous « pousse » à éviter la situation ou à consulter un médecin pour obtenir un diagnostic et un traitement approprié. Les interventions chirurgicales déclenchent aussi des douleurs aiguës, que masque l'anesthésie. Mais une anesthésie générale n'est pas anodine en raison des substances administrées, qui plongent le sujet dans un coma pharmacologique réversible, non dépourvu de conséquences physiologiques et psychologiques.

C'est pourquoi, dans certaines conditions, l'hypnosédation – la combinaison d'une anesthésie locale et de l'hypnose – peut être proposée à la place de l'anesthésie générale. Cela implique que le patient, le chirurgien et l'anesthésiste soient d'accord et que les praticiens changent leurs habitudes de travail, car ils opèrent un patient conscient, mais détendu. Aujourd'hui, beaucoup d'équipes chirurgicales en Europe, particulièrement en France, en Belgique et en Suisse, proposent l'hypnose comme technique anesthésique.

Dans d'autres situations, la douleur peut durer plus de trois mois et ne représente plus un signal d'alarme pour l'organisme. Cette douleur, dite chronique, est destructrice pour les patients. L'approche biomédicale est souvent insuffisante pour aider ces patients à conserver une qualité de vie « acceptable ». Une approche dite biopsychosociale est alors nécessaire.

C'est pourquoi depuis 1992, au Centre hospitalier universitaire de Liège en Belgique, l'hypnose est associée aux outils médicaux « classiques », que ce soit pour les douleurs aiguës chirurgicales ou pour les douleurs chroniques. Quel est l'intérêt d'une telle association ? Qu'apporte l'hypnose dans le traitement de la douleur ? Rappelons d'abord ce qu'est l'hypnose et comment elle agit.

Pour certains, l'hypnose est une sorte de sommeil ; pour d'autres, c'est une manipulation de l'esprit ou encore une supercherie permettant de remplir des salles de spectacle. Quelques idées reçues ont des fondements historiques, d'autres sont de pures caricatures. L'état hypnotique est en réalité un mécanisme particulier de la conscience, qui peut être considéré comme une capacité innée que possède chaque individu. Il est très développé chez certaines personnes – les virtuoses de l'hypnose, environ 10 pour cent des individus –, à un moindre degré chez 80 pour cent de la population, les 10 pour cent restants étant peu sensibles à l'hypnose.